Histoire des aborigènes : La Colonisation 3/3

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La colonisation de l’Australie est une des période sombre du pays. À leur arrivée, les Anglais ayant déclaré juridiquement que cette terre n’appartenait à personne, la « Terra Nullius », ils ont fait peu de cas de cette culture vieille de 50 000 ans. Entre massacres, exactions, tentatives d’assimilation, ce peuple, ces peuples sont passés tout prêt de l’extinction, c’est cette Histoire des aborigènes que Caroline Simon a retracé au travers de ces articles fruits de longues recherches et d’un travail passionné.

Des politiques très controversées

La « Native » ou « Black Police », constituée de corps entièrement aborigènes (ça s’appelle « diviser pour mieux régner »…), formée dans les différentes colonies dans les années 1830 à 1880, a semé la terreur. D’autre part, certains  » settlers  » (militaires, colons, chasseurs de baleines, etc.) se sont distingués par des comportements tristement sauvages.

Un "tracker" aborigène
Un « tracker » aborigène

Exception notable au tableau : l’Australie Méridionale. Les premiers chasseurs de baleines et de phoques ont certes tué et kidnappé, mais, dès 1836, début de la colonisation permanente, les colons ont adopté une ligne de conduite indépendante sur tous les plans.

Autre facteur : la politique de  » Protection  » ou  » Welfare « . L’Enfer est pavé de bonnes intentions et en l’occurrence celles de faire face à tous ces massacres.

Tout commence dans les années 1840, avec la nomination de « protecteurs » dans chaque colonie. Cette « protection » revêtait deux formes :

La première, légale et insuffisante, visait à écarter les Blancs et à mettre les Aborigènes sous tutelle.
L’autre, géographique, comptait sur l’isolement des lieux gérés par le gouvernement en collaboration avec la hiérarchie chrétienne.
Malheureusement, tout ça s’est bien vite transformé en processus  » christianizing  » et de  » civilizing  » en privé, loin des regards inquisiteurs.

Ces Blancs étaient devenus tuteurs des enfants comme des parents : écoles, infirmeries, fermes, services publics, dortoirs, prisons, revenus, jardins, réseaux d’assainissement, mariages, lectures, loisirs, gestion des comptes en banque, ils n’en perdaient pas une miette. En fait, ils « protégeaient » les Aborigènes autant des « étrangers » que d’eux-mêmes.

Vint alors le temps de la politique d’Assimilation (dès 1858 dans le Victoria et en Nouvelles-Galles du Sud).

La génération volée ( Stolen Generation )
La génération volée ( Stolen Generation )

Cela consistait dans un premier temps à distinguer enfants « half-cast » et enfants « full-blood » (deux petits mots pas jolis-jolis, du genre pas politiquement corrects du tout, à éviter d’utiliser !), à enlever les enfants métis (donc, les fameux « half-cast ») à leurs parents, puis à les replacer chez des familles blanches, dans le but de « blanchir » des générations de petits Aborigènes.

Entre 1883 et 1969, on estime qu’environ 5625 enfants furent ainsi volés en Nouvelle-Galles du Sud.

Bringing Them Home résume ainsi la situation :

« Nous pouvons conclure avec certitude qu’entre un enfant indigène sur trois et un enfant indigène sur dix a été enlevé à sa famille et à sa communauté entre 1910 et 1970. « .

Il ne s’agit pas ici de faire de l’humour mal placé, mais on va voir que même Spirou évoque le problème… à sa manière.

La terre, titre indigène versus Terra Nullius

Autre problème crucial : celui du territoire…Avant l’arrivée des Européens, les Aborigènes, nomades pour la plupart, se déplaçaient à travers l’Australie. Ils respectaient à peu près les territoires des uns et des autres tout en observant un certain nombre de protocoles et de règles en territoire étranger. Il existait donc un système de propriété en Australie avant l’arrivée des Européens. C’est seulement lorsque la colonisation a commencé à prendre de l’ampleur que les conflits ont éclaté. Avant, les relations étaient (presque) au beau fixe…

Eucalyptus ou Gumtree
Eucalyptus ou Gumtree

En 1770, le Capitaine James Cook avait pour instruction de conclure un traité avec les « natifs » avant de prendre la terre au nom de la Couronne.

En 1788, l’autre capitaine, Arthur Phillip, avait les mêmes instructions : « s’efforcer, par tous les moyens en son pouvoir, de chercher à établir des relations avec les indigènes et de se concilier leurs bons offices, en exigeant de toutes les personnes vivant sous sa tutelle de vivre en bonne intelligence avec eux. » Pas mal ! Pourtant, c’est resté lettre morte. L’Australie était considérée, malgré la présence très visible des Aborigènes, comme une « terra nullius », complètement inhabitée.

Pour simplifier, et sans être simpliste, le système britannique de « freehold » (propriété foncière libre, à perpétuité) et de « lease » (bail) allait désormais réglementer la distribution des terres.

Cela fonctionnait dans les grands centres de la colonisation, mais une fois les immenses territoires de l’intérieur de l’Australie ouverts, impossible de contrôler les insatiables squatters… D’où le système du  » pastoral lease « , tout particulier à l’Australie. Ces colons ont obtenu le droit d’utiliser la terre pour l’agriculture et l’élevage, cependant, celle-ci demeurait propriété de la Couronne et pouvait par conséquent servir à d’autres pour le bois, la pêche, mais aussi aux Aborigènes pour la chasse et les cérémonies traditionnelles.

Ces droits ont souvent été bafoués, pas toujours, surtout jusqu’à la Loi sur la Discrimination Raciale de 1975, qui interdit aux gouvernements et parlements des états australiens (ils sont en charge de l’administration des terres) d’exercer quelque discrimination que ce soit à l’encontre de quiconque sous prétexte de sa couleur, de sa « race ».

Copyright photos : State library of Queensland et National Archive of Australia

Copyright texte : Caroline Simon

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