Kakadu National Park : Un parc aux multiples visages

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Kakadu National Park et en fond la Terre d'Arnhem
Kakadu National Park et en fond la Terre d'Arnhem

« Mon peuple… Peu nombreux. Nous vieillissons. La jeunesse… Je ne sais pas s’ils peuvent se raccrocher à cette histoire. Mais maintenant que tu connais cette histoire, Tu es responsable. Tu dois aller avec nous vers la Terre. Peut être que tu peux te reconnaître à travers cette histoire et la Terre. »

Ces vers signés Bill Neidjie, propriétaire traditionnel Aborigène, sont apposés sur une pancarte au-dessus du rocher d’Ubirr dans le Kakadu National Park. Le soir, par beau temps, les paroles de Bill résonnent, transportent, mystifient… Derrière les marécages et l’herbe grasse, un soleil rouge se reflète dans l’eau et colore la terre. Un kangourou traverse l’immense plaine humide avant la nuit. Parfois, des oiseaux, parmi les milliers d’espèces du parc, viennent ajouter la dernière rime à une poésie parfaite.

Gunlom - Kakadu National Park
Gunlom – Kakadu National Park

En se retournant, la vue panoramique offre un contraste saisissant : une barrière de rochers aux tons ocre – la frontière naturelle du Kakadu avec la Terre d’Arnhem – tend à dissimuler un ciel rosé. Malgré les touristes, les appareils photos et les chaussettes sous les tongs, la nature est omniprésente et le silence est d’or. Comme si, sur cette terre aborigène, le respect à la terre n’avait pas de prix.

« Dépasse ton corps et donne-toi la connaissance. Rêve. Tu devrais rêver. C’est une bonne chose. »

Kakadu National Park
Kakadu National Park

Premiers pas en Australie il y a 400 siècles !

Il y a 40 000 ans, les premiers australiens en provenance d’Asie, communément appelés Aborigènes, posaient le pied en Terre d’Arnhem puis dans le Kakadu. Avec eux, se développa rapidement une culture, un art et une religion liés au rêve. Sur les sites de Nourlangie et d’Ubirr, des peintures ornent depuis plus de 20 000 ans les parois rocailleuses. Dans un dédale de couleurs chaudes, les dessins racontent des histoires. Celle d’une jeune fille qui brisa les traditions en mangeant un barramundi au mauvais moment. S’en suivit une violente guerre entre différents clans.

Le parc regorge de peintures rupestres des aborigènes
Le parc regorge de peintures rupestres des aborigènes

Un autre conte évoque les sœurs Namarrgarn qui se transformèrent en crocodiles d’eau salée pour tuer quiconque s’aventurait dans la rivière, peu importe la tribu ou l’origine. Les dessins évoquent une période où cohabitaient kangourous et crocodiles géants, varans, tortues et serpent arc-en-ciel…

Gravé dans la roche, l’art aborigène renvoie à l’homme, la nature et le temps du rêve. Bill explique que

« dans la peinture du rêve, nous utilisons une peinture spéciale. Ocre. Sang. Les cérémonies de peinture ne sont pas pour tout le monde […] Dépasse ton corps et donne-toi la connaissance. Rêve. Tu devrais rêver. C’est une bonne chose. »

Depuis des millénaires, les communautés Bininj au nord et Munnguy au sud entretiennent le plus grand parc national d’Australie, classé au Patrimoine mondial.

Kakadu National Park
Kakadu National Park

Aujourd’hui encore, un cinquième des mammifères d’Australie, plus de 120 reptiles, 10 000 espèces d’insectes et un tiers des oiseaux australiens cohabitent sur ce site. Parmi ces animaux, des raretés et des espèces uniques au monde ainsi qu’une icône, aussi dangereuse qu’attractive : le crocodile. Dans les méandres de la West, South et East Alligator River, des monstres marins alimentent les légendes… Au-delà de l’herbe sèche et en deçà des rocs surplombant, dans la chaleur étouffante, des marécages aux tons marrons, parfois jaunes. L’eau est paisible, le silence inquiétant.

Les crocodiles salties sont très présents dans le parc pendant la saison des pluies
Les crocodiles salties sont très présents dans le parc pendant la saison des pluies

Seuls quelques mouches, moustiques et taons, viennent interrompre l’ambiance. Pourtant, dans ces eaux terreuses, vivent des milliers de reptiles… Les plus grands, les crocodiles d’estuaire, mesureraient plus de sept mètres de long. Voici l’Australie ! Celle de Crocodile Dundee, du bush et de l’aventure. De ces dingos croisant une piste et de ce wallaby au pied d’une roche sacrée. Soudain, avec un silencieux battement d’ailes, un aigle s’envole dans un ciel bleu sans nuages et sans un souffle de vent.

«Tout brûler. Une nouvelle herbe arrivera. Et la vie tout autour. »

Dans le Kakadu, les paysages évoluent, se transforment, selon les endroits, les saisons. En saison sèche (mi-avril-mi-octobre), les rangers du parc provoquent des feux volontaires, une technique ancestrale que retrace Bill : « Cette terre. Je ne la détériore jamais. Le feu n’est rien. Juste nettoyer. Quand tu brûles, une nouvelle herbe arrive. Ce qui signifie de nouveaux animaux, peut-être des goannas, opossums et wallabys. Tout brûler. Une nouvelle herbe arrivera. Et la vie tout autour. »

De juin à octobre, les plaines humides s’assèchent. Les couleurs et le cycle de la vie sont bouleversés. Les oiseaux se rassemblent autour des billabongs. Une autre espèce d’animal, le touriste – pas en voie d’extinction celle-là – inonde la plaine.

Les Jim Jim Falls - Kakadu National Park
Les Jim Jim Falls – Kakadu National Park

Pour apprécier les fabuleuses Jim Jim Falls, mais aussi pour un tour en bateau sur la South Alligator River au niveau de Yellow Water, afin d’apercevoir les quelques 6 000 crocodiles du parc.

L’accès au public n’est possible que par la bonne volonté des propriétaires traditionnels, qui louent les 20 000m² du Kakadu à Parks Australia, afin de gérer, d’entretenir et de promouvoir le parc. Des communautés locales qui n’abandonnent pas leurs terres pour autant puisque un tiers des rangers du Kakadu reste Aborigènes.

Le Gudjewg ou la saison humide dans le Kakadu : de décembre à mars, les orages déchirent le ciel et les rivières inondent les terres. L’herbe grasse s’épanouit, la vie animale et végétale explose.

La plupart des sites touristiques sont clos par mesure de sécurité et les rares pistes encore visibles ne sont praticables qu’en 4×4. Les Jim Jim et Twin Falls sont fermées puisque inaccessibles, tout comme les sites de la région de Mary River au sud-ouest du parc. Une grande partie du Kakadu est exclue au public pendant la saison humide, car des plaines pouvant être asséchées en août sont noyées sous 3m d’eau en janvier.

Barramundi Gorge - Kakadu National Park
Barramundi Gorge – Kakadu National Park

Pourtant, la rumeur court… Ce parc si extraordinaire, si magnifique en saison sèche, serait encore plus inconcevable de beauté pendant la saison humide… Après la pluie torrentielle, lorsque la vie reprend et que l’arc-en-ciel pointe ses couleurs dans un ciel brumeux.

«S’asseoir, sentir les esprits du pays, revenir chez soi et respirer le même chemin. »

Le Kakadu… À travers les billabongs, les forêts sèches, les plaines inondables, les marécages, les escarpements de rochers et les mangroves, un sentiment exacerbé de vie submerge l’âme… Un contraste de paysages et une histoire culturelle qui apaisent l’esprit… Comme le décrit simplement Natasha Nadji du clan Bunidj :

« Les gens ont besoin de venir ici et de se relaxer. S’asseoir, sentir les esprits du pays, revenir chez soi et respirer le même chemin. » Bill ajoute : Tu suis les sentiers… Tu dors. Tu te réveilles le matin avec les oiseaux. Peut-être le kookaburra. Tu sens le pays. »

Sentir le pays, les esprits, se relaxer, respirer… Une piste que chaque voyageur aspire à tracer, peu importe ses croyances ou sa couleur de peau… Et de Jacob Nayiggul du clan Manilakarr, de souffler : « Notre pays a une grande histoire. Quelquefois, nous en contons une partie. Venez et écoutez nos histoires. Regardez notre pays. Un petite part devrais rester dans vos cœurs. Si vous en voulez plus, vous pouvez revenir… »


Glossaire :

Aborigène : éthymologiquement, signifie « les premiers hommes ». Est Aborigène celui dont les ancêtres étaient les premiers habitants du continent australien.

Barramundi : poisson qui, traduit de l’Aborigène, signifie « poisson aux grandes écailles ». Très courant dans la gastronomie australienne.

Temps du rêve : au coeur de la religion Aborigène, le temps du rêve désigne la période spirituelle avant la création du monde.

Patrimoine mondial : l’Unesco distingue au Patrimoine mondial les plus importants sites naturels et culturels. Le parc national du Kakadu a l’incroyable particularité, avec 23 autres sites dans le monde, d’intégrer les deux classements.

Crocodile Dundee : sorti en 1986, Crocodile Dundee fut un succès international. Tourné dans le Kakadu, il raconte une histoire d’amour entre un chasseur de crocodiles et une journaliste new-yorkaise.

Bush : paysage semi-rural de faible végétation.

Dingo : chien sauvage d’Australie.

Wallaby : kangourou de petite taille.

Goanna : autre nom du varan.

Opossum : petit marsupial nocturne courant en Australie.

Billabong : cours d’eau qui ne s’assèche jamais.

Touriste : animal loin de ses terres, en proie aux phénomènes naturels les plus étranges comme le regroupement en meute autour d’un guide spirituel et trois bouts de pierre. Reconnaissable à son camouflage souvent composé d’un bob, de lunettes de soleil et de couleurs criardes. Le touriste aime se glisser bruyamment dans des places sacrées afin de capturer l’instant avec son gros zoom.

Kookaburra : oiseau australien important dans la culture aborigène.

Serpent arc-en-ciel : créature mythologique prédominante chez les Aborigènes, il contrôle l’eau, source la plus précieuse, ainsi que la vie et la mort par son lien à la fertilité.

site du parc

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10 Commentaires

  1. un endroit superbe qui me motive encore plus à partir à l’autre bout du monde !!!!
    un récit qui en dit peu mais assez pour nous donner envi de voyager vers l’Australie et vers ces paysages fabuleux.

  2. C’est amusant, ces petits pics de bobo bien-pensant qui consistent à fustiger un touriste qui prend des photos, et à encenser un aborigène bourré qui hurle dans la rue (cf article sur Darwin). Parti pris systématique et aveugle pour les minorités opprimées face aux occidentaux. A ce rythme, on lira bientôt que si Chopin avait eu le choix, il aurait préféré le didgeridoo au piano. Toute une génération de français à rééduquer.

  3. Bonjour Erwann, je ne vois pas ou se cache le « bobo » bien pensant comme tu l’écris dans la description de la culture et du peuple aborigène.
    L’angle choisi est de parler de cette culture, et de ne pas systématiquement ramener et réduire les aborigènes à un problème social(bien réel) ou à cette période ou ils ont été opprimé, persécuté… leur culture nié…
    les aborigènes c’est AUSSI cette culture, c’est leur identité bien plus que leur pauvre statut actuel.
    Voir dans cet article un aveuglement qui se fonde sur une méconnaissance de cette réalité c’est aussi un parti pris qui impose de toujours réduire ce peuple à sa condition actuelle, c’est aussi appliquer une forme de politiquement correct qui comme le borgne ne voit qu’un aspect de la réalité et toujours le même..
    je t’invite à écrire un article sur la condition de ce peuple pour avoir une vision à 360 degrés et nous le publierons sur le blog ,si il est aussi bien écrit et construit que le « bobo » reporter dont je salue ici la qualité du travail.
    Quant à rééduquer les français, si je ne prenais pas ce terme de rééducation pour une forme de style, je pourrai penser que tu puise cette volonté dans les heures les plus sombres de l’histoire de l’Australie ou la rééducation était la solution du problème aborigène pour le gouvernement australien… mais n’ai crainte je sais lire et interpréter ton commentaire..je ne pense pas un seul instant que tu penses ça au premier degré, je t’invite donc à bien lire notre reporter Mathieu et à appliquer cette lecture sans a priori.

  4. @Erwann : Ta critique ne sonne pas juste dans la mesure où tu commentes le mauvais article. Ici, je n’évoque que la culture aborigène… La religion, l’art, et le rapport avec la nature.

    Quant à l’article sur Darwin, relis-le, tu ne verras que je ne fais que décrire ce que j’ai vu et entendu. Certes, ce sont des sens, donc forcément subjectifs, mais mon idée est de toujours coller au plus près de la réalité. A ce sujet, je t’invite à lire Albert Londres, « Au Bagne » ou Orwell, « Dans la dèche à Paris et à Londres », deux journalistes qui ont raconté deux vraies expériences, et provoqué des bouleversements.

    Albert Londres disait, « Il faut mettre la plume dans la plaie ». En te lisant, il faudrait omettre le problème, l’éviter, le contourner. Mais t’es tu déjà rendu à Darwin, Katherine ou Alice Springs ? As-tu constaté la pauvreté, l’alcoolisme et l’inégalité blanc-noir ?
    Et bien, ça fait mal. Ce n’est pas parce que c’est cool et tendance de penser ainsi – « bobo » serait l’un des termes les plus opposés à mon mode de vie et mon caractère – c’est juste de l’humanité, un concept totalement étranger à la politique ou à l’éducation.

  5. Je ne me permettrais d’ecrire un article sur un sujet que si je l’avais etudie de fond en comble.
    Mettre la plume dans la plaie, ca serait avouer qu’une bonne partie des aborigenes a Darwin ou Katherine est composee de cas sociaux bien atteints et peu frequentables plutot que de dignes representants d’une culture millenaire qui font echo aux cuis-cuis des oiseaux du Kakadu ; a tel point qu’ils ont ete rejetes par leurs propres tribues, ca n’est pas que de l’inegalite blanc-noir.
    Je regrette simplement que ce soit traite assez legerement alors que c’est vraiment choquant dans ces 2 villes en particulier, je n’ai vu ca nulle part ailleurs en Australie, loin de la.
    Je concede cependant que je me suis plante d’article !

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