La semaine dernière, Georgina, attrapeuse de serpents, vous a parlé de son métier. Cette fois-ci, dans la deuxième et dernière partie de son interview, elle discute des attitudes du grand public face aux serpents, mais aussi de son but d’éduquer les générations futures via son travail et son association, SnakeSense. Elle vous donnera également quelques petits conseils si vous aussi vous avez envie d’observer des serpents d’Australie dans leur milieu naturel, ou au contraire de les éviter !
Lors de notre précédent entretien, tu as mentionné le vieil adage du « un bon serpent, c’est un serpent mort ». Cet état d’esprit domine-t-il toujours ?
Ca n’a pas beaucoup changé. La plupart des gens détestent les serpents, pensent qu’ils sont hideux, mauvais, agressifs. Rien de tout ça n’est vrai mais les gens ont été encouragés à penser ainsi depuis des générations, il y a également un arrière-plan religieux à tout cela. À travers le monde, les religions païennes révéraient le serpent, mais avec l’avènement du christianisme et d’autres religions modernes, de nombreux nouveaux fidèles se sont employés à détruire ou pervertir les symboles des anciens cultes.
L’Australie a été colonisée par des chrétiens, beaucoup de serpents y sont mortellement venimeux, et au début de la colonisation il n’existait pas de traitement pour soigner les morsures… tous ces facteurs se sont combinés pour renforcer la mauvaise image du serpent.
L’objectif de ton association, SnakeSense, est justement de sensibiliser le public et d’essayer de changer ces attitudes.
Oui, pour le moment je travaille avec d’autres compagnies ainsi qu’au sanctuaire d’Healesville et j’utilise leurs animaux. Il faut montrer aux gens que les serpents sont aussi des petites créatures timides, calmes, curieuses. Qu’ils soient venimeux ou inoffensifs, tant qu’ils ne prennent pas peur, ils sont adorables. Ils peuvent apprendre des choses, apprendre à vous connaître, comme n’importe quel autre animal.
Avec les serpents, il faut tenter d’apprendre aux gens à faire la différence entre les faits et la fiction, leur montrer que certains comportements sont mal interprétés. Par exemple les gens croient souvent qu’un serpent les poursuit, alors qu’en réalité le serpent se rue vers la cachette la plus proche. Évidemment, si la personne se tient entre le serpent et sa cachette, on a l’impression qu’il lui fonce dessus !
Ce sont des petites choses comme ça, quand les gens prennent le temps d’y réfléchir, ils comprennent la logique qui se cache derrière ces quiproquos. Mais pour le leur apprendre, il faut parvenir à capter leur attention et ce n’est pas toujours facile quand on fait face à une foule où certains spectateurs montrent du doigt et s’exclament « Ah, un serpent ! Il est horrible, je hais les serpents ! »… Il faut attendre que ça se calme pour pouvoir faire passer le message.
Mais c’est ce qu’on essaie de faire partout où on va et on essaie également de lever des fonds pour nous permettre de continuer à faire ce travail et à le faire de mieux en mieux. Il est temps que les attitudes changent en Australie.
Que dirais-tu à quelqu’un qui n’aime pas les serpents, mais est assez ouvert d’esprit pour avoir envie de reconsidérer sa position ?
Premièrement et avant tout, je lui parlerai de l’importance des serpents pour les hommes, et c’est quelque chose dont personne n’a conscience. Sans serpents, les humains mourraient de faim. Chaque année, les eastern brown snakes nous aident à maintenir la production de grosses quantités de céréales, car ils consomment énormément de rongeurs qui nuiraient aux cultures. Sans ces céréales, il n’y aurait pas de pain, pas de nourriture pour le bétail donc pas de viande… Et ce n’est l’action que d’une espèce de serpent !
Ces animaux ont évolué de manière à s’intégrer dans tous les écosystèmes du monde, à l’exception de la tundra arctique. On en trouve même sur les pistes de ski d’Europe ! Il y a près de 3000 espèces de serpents dans le monde, c’est davantage que tout autre type d’animal. Si on continue à les persécuter, nous souffrirons les conséquences.
Penses-tu qu’être informé ces choses, observer des serpents exhibés en captivité et peut-être avoir l’occasion de toucher un python lors de démonstrations éducatives peut réellement pousser le public à changer d’opinion à l’égard de ces reptiles ?
Peu à peu. Surtout au niveau des enfants. Des études ont démontré que les bébés n’ont pas de peur inhérente des serpents. C’est le conditionnement parental qui entraîne cette phobie. Quand des gamins arrivent pour la première fois dans la section reptile d’un zoo, ils réagissent positivement : « Regarde, des serpents ! Comme ils sont beaux ! ». Et là, les parents se retournent : « Non, ils sont affreux, ils pourraient te tuer ! ». Mais si on prend ces enfants en charge pour les éduquer sur un animal qui les fascine (sans pour autant encourager un gamin à aller ramasser un serpent venimeux dans le bush…), il y a un espoir que les prochaines générations pensent différemment.
Personnellement, j’ai toujours trouvé, en travaillant avec des enfants sur différents sujets liés à la protection de l’environnement, qu’ils sont bien plus logiques que les adultes. On peut expliquer à l’enfant d’un bûcheron pourquoi la déforestation est un problème, et il posera beaucoup de questions sur des choses dites par son père par exemple.
Il écoutera les réponses, évaluera la situation et aboutira à ses propres conclusions, qui sont toujours les bonnes. Les adultes, eux, ont des préjugés et n’aiment pas avoir tort, par conséquent ils n’ont pas toujours envie de changer leur façon de penser.
Avec eux, il faut essayer d’aborder le sujet sous tous les angles possibles et imaginables. Il faut leur faire comprendre qu’on ne veut pas protéger les serpents seulement « parce que », mais avant tout pour préserver la bonne santé de la planète et éviter des déséquilibres qui affecteraient notre propre bien-être.
Beaucoup de gens parlent des baleines, du réchauffement climatique, de sauver les ours d’Asie ou les loups d’Amérique, mais très peu de gens parlent des serpents. Même parmi les écolos, de nombreuses personnes n’aiment pas les serpents. Il est donc grand temps qu’on soit quelques-uns à prendre leur défense.
Quel conseil donnerais-tu aux voyageurs qui viennent en Australie et ont envie d’observer des serpents dans la nature ?
N’essayez pas de leur faire de câlin ! Les trouver, c’est une question de bon sens. Si vous avez froid en chemise, le serpent aura froid. Si vous avez trop chaud, le serpent aura trop chaud. S’il fait un peu frais mais pas trop, les serpents prendront des bains de soleil.
C’est sans doute le meilleur moment pour les observer. Par une belle journée de printemps ensoleillée avec un petit fond d’air frais, cherchez les serpents en milieu de journée, en privilégiant les abords des cours d’eau. En Australie, les sources d’eau douce sont toujours un bon endroit où commencer ses recherches. En plein été, quand il fait très chaud, les serpents ne sortiront que tôt le matin ou au crépuscule.
Y’a-t-il des régions que tu recommandes plus particulièrement aux amateurs de serpents ? Il me semble que tu es fan du nord du Queensland.
Oui, le nord du Queensland, c’est le meilleur endroit d’Australie si tu aimes les serpents ! Si tu ne les aimes pas, alors n’y va pas. De manière générale, tout le nord de l’Australie est intéressant. Les déserts c’est bien aussi mais il n’y aura peut-être pas beaucoup d’espèces différentes, il faut un peu mieux savoir s’y prendre, mieux connaître les espèces et leurs habitudes. Alors que dans le nord de l’Australie, du Queensland jusqu’au Kimberley, vous trouverez des serpents sans problèmes.
Et si au contraire on veut éviter les serpents, on reste dans les villes et on va dans le bush seulement en hiver ?
Et aussi, si tu te balades en pleine journée par des températures de 40°, tu ne verras pas un seul serpent à l’horizon ! Pour éviter les serpents, il suffit d’être soi-même. Les gens disent qu’il faut piétiner, faire du bruit… C’est plutôt faux, si tu fais autant de boucan, la plupart des serpents vont penser qu’une horde de prédateurs s’apprête à se déverser sur eux.
Résultat, ils vont bien se cacher et ne plus bouger, en espérant que ça passe. C’est comme ça que les gens se retrouvent parfois juste à côté d’un serpent – le serpent est terrifié, il ne bouge pas et on marche juste à côté.
À part ça, dans le bush, il ne faut jamais mettre ses mains là où ne peut pas les voir (terrier de lapin, tronc creux…). Si tu soulèves des rochers ou des morceaux de bois, il faut toujours le faire de façon à ce que si un serpent se cache en dessous, il puisse fuir facilement (et pas vers toi !).
Rien que sur ma propriété, il y a des tonnes de serpents et personne ne les voit jamais. Pour les voir, il faut les chercher, ou avoir beaucoup de chance !
Par contre, s’il fait 40°, que tu laisses ta porte ouverte et que tu as un sol en béton bien frais, ne t’étonne pas de retrouver un serpent dans ta cuisine ! C’est déjà arrivé ici, avec un serpent sous le frigo… Et un serpent en intérieur, ce n’est pas drôle, parce que ce n’est pas garanti que tu le retrouves !
Une dernière anecdote pour la route ?
Une de mes histoires préférées, c’est un gros black snake qui s’était caché sous une terrasse en bois à Thornton. J’ai débarrassé tous les meubles, tout ce qui traînait, et je me suis à mis à regarder entre les planches, méthodiquement… Tuyau… Tuyau… Tuyau… Ah, c’est pas un tuyau ça !
J’ai été voir le propriétaire des lieux : « Vous n’auriez pas un tournevis ? » et me voilà à démonter sa terrasse ! J’ai doucement dévissé 4 planches, puis j’ai tout soulevé d’un coup pour attraper le serpent avant qu’il ne se carapate. Il faisait bien 1m50 de long, aussi épais que mon poignet, et il a entouré le reste de son corps sous la terrasse pour s’amarrer.
Donc nous voilà en plein duel, il s’agrippe de son côté et moi du mien. Il faut avoir le truc dans ce genre de situation. On ne peut pas simplement tirer le serpent, ça risque de le blesser. Il faut le tenir fermement et le laisser tirer lui. Puis, au bout de quelques minutes, on relâche doucement la pression, tout en continuant à tenir le serpent. À ce moment là, en général, le serpent va lâcher sa prise et se retourner au quart de tour pour essayer de mordre ! Donc il faut bien soigner son timing : relâcher la pression… et tirer vite ! C’est comme ça que j’ai extirpé cet énorme serpent de sous la terrasse…
J’adore les red-bellied black snakes, ce sont de vrais gentlemen, très calmes et patients, mais une fois qu’ils jugent qu’on a vraiment dépassé les bornes, c’est bon ! Ils s’énervent, se mettent à grogner, siffler, se débattre.
J’ai dit au-revoir aux gens, je suis montée dans la voiture et j’ai réfléchi à l’endroit où j’allais relâcher ce serpent. Et pendant tout ce temps, il s’agitait comme un beau diable dans son bidon. Trop drôle ! Vraiment, trop mignon. Bien plus mignon qu’un lapinou !
Merci à Georgina Beach (SnakeSense) et Duncan Bibby (Sugarloaf Interactive)
pour les photos illustrant cet article.
Très beau portrait, très belle personne et très beau métier, qui ne doit pas être évident à exercer en Australie !!
Cela me rappelle une rencontre avec deux « pest controlers » (équivalent des dératiseurs en France, sauf qu’ils ont beaucoup plus d’espèces à contrôler que juste les rats…) dans le parc national de Carnarvon dans le Queensland : leur passion pour leur métier malgré les risques, et surtout leur amour des araignées, même dangereuses pour l’homme, faisait plaisir à voir, car les araignées sont elles aussi indispensables à l’équilibre des écosystèmes…
Bons voyages !
moi aussi j’adore les serpent ma passion c’est les reptiles et je ferai le m’aimes m’aitier que vous quand je serai plus grand,j’ai 10/5ans j’irai vivre en australie
Bonjour,
Ou as tu fais ta formation pour le devenir et combien de temps dur t-elle ?
Merci pour ce partage.
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