Si Broken Hill est entourée de modestes collines type « tas de cailloux », ce n’est qu’un doux prélude aux remparts plus développés de son parc national le plus proche : Mutawintji, où s’élèvent les parois de roc ocre de la Byngnano Range. Ici, l’outback offre un interlude à sa platitude coutumière, momentanément remplacée par un réseau de crêtes et de gorges qui renferment tous les secrets les plus précieux du bush : des peintures aborigènes sur les murs des grottes aux trous d’eau des creeks, sans oublier la faune riche et abondante.
Au matin, les rives ombragées d’Homestead Creek, seule aire de camping du parc, prennent vie dans la cacophonie du bruyant enthousiasme d’une colonie de corellas : comme la plupart des cacatoès, leurs voix rauques semblent étrangement accordées. Leurs chœurs sont renforcés par les piaillements métalliques des apostlebirds, des oiseaux gris-bruns qui ne se déplacent qu’en meute et se comportent comme de véritables petits pirates de l’air. Pleins de curiosité et dénués de la moindre pudeur, ils viennent inspecter mon choix de petit-déjeuner avant de repartir en quête du leur dans l’herbe environnante.
Si corellas et apostlebirds sont de loin les espèces les plus manifestes, elles ne sont pas moins qu’un échantillon de la diversité aviaire représentée ici – mallee ringnecks et mulga parrots, deux espèces de perroquets au plumage vert vif, virevoltent également dans les arbres autour des tentes et des caravanes. Des profondeurs d’une branche creuse, c’est le visage jaune taché de rouge d’un cockatiel qui pointe le bout de son bec : de loin le plus petit des cacatoès, et doté d’un plumage autrement gris et blanc, c’est un oiseau que nous autres européens avons plutôt l’habitude de voir derrière les barreaux d’une cage, et de prendre pour une perruche.
Dans les plaines, ce sont les red kangaroos qui sont de sortie, ou se reposent allongés à l’ombre d’arbustes aux heures les plus chaudes. Sur les pentes rocailleuses de la chaîne, ils sont relayés par un de leurs nombreux « cousins » : l’euro, ou wallaroo, à la fourrure pâle et à la grosse truffe noire, est un spécialiste des habitats plus accidentés et se rencontre en bon nombre lors d’une balade matinale ou tardive le long de la crête de Western Ridge.
La force de Mutawintji, c’est aussi cela : une vingtaine de kilomètres de sentiers, répartis de manière à peu près égale en trois randonnées explorant différents aspects de la géographie du parc. Et si Western Ridge emmène le long d’une crête d’où il fait bon contempler le coucher de soleil sur la plaine, le sentier d’Homestead Gorge entraîne quant à lui à marcher le long du ruisseau puis crapahuter sur le roc.
Et si vous choisissez de faire la plus grande boucle, l’amusement ne fait que commencer : sur le chemin du retour, une corde permet de négocier un boulet un peu trop raide et glissant, puis une étroite fente dans la roche se traverse pieds nus et pantalon retroussé du fait de la mare qui tapisse momentanément son fond. Et pour finir, un exercice de rock hopping (littéralement « sauter de rocher en rocher ») dans le lit du ruisseau !
Votre soif d’aventure n’est pas encore étanchée ? Il reste toujours les hautes parois de Mutawintji Gorge à explorer, où les plus téméraires seront libres de s’improviser chèvre des montagnes.
Malheureusement, cette analogie met le doigt sur ce qui est sans doute le plus gros problème du parc : sa population de chèvres sauvages, l’un des nombreux animaux étrangers introduits en Australie par les colons, est devenu un casse-tête écologique majeur. Les traces de leurs sabots fourchus sont visibles à travers le parc, et il n’est pas rare de croiser un troupeau en vadrouille. Les chèvres sont ici des vermines qui endommagent la végétation et entrent en compétition avec la faune endémique. Chaque année, des équipes de chasseurs sont engagées pour tenter de venir à bout du fléau, ou du moins de le maintenir sous contrôle.
La dernière grande victime des chèvres n’est pas des moindres, puisqu’il s’agit de la culture aborigène, comme l’explique Gerald, l’un des rangers du parc. D’origine Paakantji (le groupe aborigène habitant la région du fleuve Darling), il est l’un des quelques opérateurs habilités à emmener les visiteurs dans une zone autrement hors-limite du parc, celle qui contient le plus gros des sites de peintures et de gravures aborigènes.
Les chèvres dégradent également ces refuges, notamment avec leurs cornes. Mais la plus grande menace et la raison de la régulation des visites en ces lieux, est posée par l’homme : par le passé, plusieurs individus peu scrupuleux ont été jusqu’à découper la roche pour emporter un bloc entier d’art aborigène. D’autres personnes, plus innocentes mais mal renseignées, compromettaient également la survie des œuvres en les touchant – ce qui, à terme, contribue à les effacer.
Sous le soleil de l’outback, Gerald mène la marche et effleure quelques plantes : la lemongrass au nom (littéralement, herbe-citron) révélateur de son rôle d’assaisonnement, le beefwood aux propriétés antiseptiques.
Par terre, il ramasse une pierre qui parait ordinaire, mais dont la forme et l’usure révèlent à son œil averti qu’elle fut utilisée par ses ancêtres pour moudre des noix et produire de la farine. Plus loin, un tas de cailloux indique l’ancien emplacement d’un ground oven, un four creusé dans le sol. Très vite, on réalise que l’émeu méticuleusement taillé dans la roche à même le sol, ou les collections d’empreintes de mains vieilles de centaines d’années sur les murs d’une grotte, ne sont pas les seuls signes de la présence aborigène. Millénaire, elle est imprégnée jusque dans la terre, partie intégrante du paysage, à la fois invisible et omniprésente. Il est de notre devoir à tous de la respecter.
PRATIQUE CORNER
- Mutawintji National Park se trouve à environ 130 km au nord-est de Broken Hill. Suivez la Silver City Highway (B79) en direction de Tibooburra avant de bifurquer à droite en direction du parc et de White Cliffs.
- On ne vous demandera aucun droit d’entrée. La nuit de camping revient quant à elle à $6/personne. L’aire de camping comprend des douches chaudes gratuites, alimentées par des panneaux solaires. Notez qu’il est possible de payer le camping par carte de crédit (en notant vos numéros sur un papier prévu à cet effet) si tant est que vous en ayez pour un minimum de $20.
- Pour accéder aux sites d’art aborigène il vous faudra passer par un opérateur et réserver à l’avance. Les rangers du parc effectuent leurs visites guidées le mercredi à 11H : d’une durée de 3-4 heures, elles reviennent à $20/personne (cash). Vous pouvez réserver en appelant le service des parcs nationaux au 08 8080 3201. D’autres opérateurs peuvent également vous emmener découvrir le site à d’autres moments, notamment Corner Country Adventure Tours (08 8087 6956) et Tri-State Safaris (08 8088 2389).
- Le parc offre trois chemins de randonnée balisés : Homestead Gorge (7,5 km), Western Ridge (6 km) et Mutawintji Gorge (6 km). Comptez 2 à 3 heures pour chacune de ces balades. Si vous préférez une promenade plus courte, il est possible d’abréger la randonnée d’Homestead Gorge en se rendant simplement jusqu’à Wright’s Cave (800 m) ou aux Rockholes (5,6 km).
- Notez que comme dans la plupart des parcs nationaux, il est permis de faire du feu… à condition que vous ameniez votre propre bois. Ramasser des branches au sein du parc est interdit, car ces débris constituent l’habitat de nombreux insectes et petits animaux essentiels à l’écosystème.
Très intéressant blog,l’Australie,cela fait un moment que j’y pense:-)
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