Sable poudreux, eau cristalline, chaleur entêtante, ciel indigo. Un soleil de feu qui s’enfonce dans les profondeurs de l’océan. Des ventrées de crustacés, de poissons frais et de fruits de mer. Un jet ski qui file sur des flots turquoise et une bière sur la plage. Autant de vignettes d’un imaginaire collectif, d’un rêve australien fantasmé, de la réalité d’une ville qu’on appelle Streaky Bay.
Arrivée à Streaky Bay
Australie Méridionale. Un printemps capricieux se fond en un été indulgent. Les dernières poussières de l’outback retombent derrière mes pneus alors que je me gare à la pompe. Streaky, c’est ce genre de ville, balnéaire jusqu’au bout des orteils, où même la station essence vend du matériel de plongée. Je passe à la caisse, masque et tuba entre les mains.
« Bah alors, t’achètes pas de palmes ? »
La voix est grave, l’homme est grand, les cheveux courts et bouclés, lunettes sur le nez. Ses épaules sont larges et carrées, il est bâti comme un déménageur. On échange une plaisanterie et il me tend une énorme paluche : « Moi, c’est Wayne. » On prend un café.
Dans l’heure qui suit, je traverse avec lui ce village où tout le monde semble connaître tout le monde. Wayne m’a adoptée et dans un vrombissement de vibrations, nids de poule oblige, je le suis en voiture jusqu’à sa propriété, à une trentaine de kilomètres de la ville.
Un chemin de terre s’en va dans les collines de sable. Là-haut, Wayne a un « shack » : un simple abri de tôle avec vue sur l’océan. L’électricité provient d’une éolienne et de panneaux solaires. Les robinets sont entièrement alimentés par un réservoir d’eau de pluie. Il n’y a pas d’égouts, les toilettes sont à l’extérieur : trois plaques de tôle arrangées en triangle autour du trône. Pas de porte. À la place, une vue sur l’océan.
Wayne vit ici avec sa compagne, Vicki. Un vieux bus garé à côté du shack sert de maison à un jeune homme, David, un maçon venu de Perth, plus préoccupé par le surf que par le travail. Ni Vicki ni David ne sont bien surpris de voir une française débarquer chez eux à l’improviste – Wayne, c’est ce genre de baraqué au grand cœur qui sous une apparence de casseur cache une âme de Saint Bernard.
Des brebis égarées incarnées sous la forme de backpackers en panne ou sans le sou, ici, il en a déjà récupéré trop pour compter. Je gare ma voiture entre le bus et la maison, et je passe la nuit.
Jet ski et pêche au programme
Le lendemain, je découvre la méthode Wayne pour bien commencer la journée : un petit-déjeuner, un café et la vieille Range Rover nous descend jusqu’à la plage. Sur la remorque, un jet ski qu’on met à l’eau dans une mer transparente et calme. « T’as déjà conduit un jet ski ? Non ? Ben tu vas commencer aujourd’hui, hein. »
Mains au guidon, cheveux au vent, j’emmène la bête au large au train confortable des 75 km/h. On se faufile entre deux îlots (attention aux récifs !) et on atteint le nerf de la guerre : ici, Wayne a posé des pièges au fond de l’eau. On repère les bouées et je tire sur les cordes pour remonter les pièges.
Bredouille le premier jour, mais les suivants notre chance va tourner : du fond de l’océan, on remonte langoustes, crabes et poissons frais. Sans oublier ces petits requins inoffensifs, que l’on relâche sans leur faire de mal. Les grands blancs fréquentent aussi ces eaux, mais d’eux nous ne verront nulle trace. Sous le jet ski, dans l’eau claire de la baie, ce sont des bancs de saumons argentés que nous voyons nager.
Deux 4×4 garés côte à côte sur la plage, une glacière installée entre des chaises pliantes. Il fait 40° et les mouches viennent chercher l’humidité du coin de nos yeux, de la commissure de nos lèvres.
Nous, on débouche quelques bières et on se rafraîchit en se coulant dans la mer froide. Un couple d’amis de Wayne est venu nous rejoindre, avec deux enfants. Les gamins sont tour à tour enterrés dans le sable et lancés à l’eau par les adultes. Puis la semaine avance, la canicule s’estompe, des nuages et des averses font baisser les températures.
L’eau semble plus froide que jamais quand, en combinaisons de plongée, armés de masques et de tubas, on explore une autre baie. Ici, l’eau est très peu profonde, le fond recouvert d’énormes bouquets d’algues. Entre leurs filaments, nous cherchons des abalones : des escargots de mer dont la réputation n’est plus à faire auprès des gourmets et qui, d’un coup de couteau bien placé, se décrochent des rochers pour venir remplir notre sac de provisions. Un nouveau festin qui s’annonce.
J’abandonne momentanément Wayne pour me livrer à une matinée en solitaire, appareil photo vissé à des rétines qui en prennent plein la vue.
Les routes de Streaky Bay
Deux scenic drives tracent des boucles le long de cette côte superlative : Westall Way au sud, Cape Bauer au nord. Les rivages sont faits tour à tour de sable pur, d’entassements de blocs de granite émaillés de flaques d’eau lisses, de falaises fracturées d’érosion.
Les lieux-dits portent des noms simples, des noms rêveurs : Smooth Pool, High Cliffs, Fishermans Paradise. Partout, il y a de l’espace et Wayne est loin d’être le seul à se contenter avec joie d’un shack pour toute habitation.
Les routes sont de terre et la circulation reptilienne dépasse celle des voitures : c’est la saison des amours pour les lézards à langue bleue qui s’en vont en vadrouille par dizaines à la recherche de leurs partenaires.
La vieille Range Rover de Wayne s’arrête au sommet d’une colline, sur son terrain. Le ciel bleu vif d’une après-midi lumineuse se dissout de rose et d’orangé à mesure que le soleil descend vers l’horizon. Streaky Bay, une dernière fois. Streaky Bay, rivage au temps distordu où les heures s’étirent en jours et la journée en semaine, endroit où les montres s’oublient et cèdent place à la grande horloge de la vie. Vivement que la trotteuse m’y ramène.
Streaky Bay : Pratique Corner
- Streaky Bay se trouve 700 km à l’ouest d’Adelaide sur la péninsule d’Eyre. Suivez la A1 à travers Port Wakefield et Port Augusta, et continuez le long de la Eyre Highway jusqu’à Poochera, où vous devrez bifurquer sur la gauche vers Streaky Bay.
- Le scenic drive de Westall Way se trouve à 10 km au sud de Streaky Bay, l’accès se fait via la route menant à Point Labatt et Sceale Bay. La boucle fait 30 km, et passe notamment par High Cliffs, Smooth Pool, Fishermans Paradise et les dunes de sables de Yanerbie.
- Le scenic drive de Cape Bauer se trouve au nord de Streaky Bay – suivez la route qui longe la côte au-delà du caravan park. La boucle fait une trentaine de kilomètres et passe par Hally’s Beach et Whistling Rocks.
- Vous pouvez camper aux abords d’High Cliffs et Tractors Beach, le long de Westall Way. Il n’y a aucune infrastructure, mais la vue sur la mer et l’accès direct à la plage sont garantis.
- Il n’y a pas besoin de permis pour pêcher dans les eaux du South Australia, mais vous êtes toutefois dans l’obligation absolue de respecter les limites de taille et de quantité (size and bag/catch limits) pour chaque espèce. Consultez toutes les informations nécessaires à pêcher en toute légalité dans le South Australia sur le site du département des industries primaires.
- Tant qu’à être dans la région, pensez à faire un tour à Baird Bay, 60 km plus loin au sud, pour nager avec les lions de mer et les dauphins dans leur milieu naturel.
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C’est dans la ville de Perlubie, à une vingtaine de minutes de Streaky Bay, que vous trouverez ce superbe B&B. ici le luxe est de mise avec des appartements eco-friendly dotés d’une chambre, d’un coin salon, d’une kitchenette et d’une terrasse avec barbecue. Le tout dans un décor contemporain très réussi. Le grand plus ? Les baies vitrées et la vue qu’elles offrent grâce à la situation exceptionnelle de l’établissement. En savoir plus
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Qu’est ce qu’elle est mignonne cette brosse à dent nomade !
En voilà une étonnante rencontre et du coup, un joli témoignage, mais l’histoire ne dit pas si tu as acheté les palmes 😀
Non ! 😆
Trés belle écriture.
Alors ces abalones?
Délicieuses, comme tout le reste ! 😉
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