Les majors du cinéma se pourvoient en cassation après la relaxe d’un internaute
LE MONDE | 12.03.05 | 14h28
La cour d’appel de Montpellier a assimilé le téléchargement de films à de la copie privée.
La cour de cassation ne sera pas de trop pour sortir le téléchargement du flou juridique. Les principales « majors » de l’industrie cinématographique ont en effet annoncé leur intention de saisir la haute juridiction pénale après la relaxe, jeudi 10 mars, par la cour d’appel de Montpellier, d’un internaute de 22 ans.
Les magistrats ont considéré que, en puisant sur Internet ou en copiant à partir de CD-ROM prêtés de quoi se constituer une solide filmothèque de quelque 488 titres, ce jeune étudiant en IUT d’informatique n’avait rien fait d’autre qu’exercer son droit à la « copie privée » (Le Monde du 12 mars). Cette décision intervient quelques semaines après la lourde condamnation (près de 15 000 euros de dommages et intérêts) infligée par le tribunal de grande instance de Pontoise à un enseignant qui avait téléchargé près de 10 000 morceaux de musique.
Columbia, Disney, Dreamworks, Gaumont, MGM, Paramount, 20th Century Fox, Warner Bros… Jamais le jeune cinéphile n’aurait pensé trouver sa place dans cette coproduction de rêve. Jusqu’au 18 février 2003, et une perquisition des gendarmes à son domicile. Spontanément, il reconnaissait avoir téléchargé un tiers des 488 CD-ROM saisis. Il assurait n’avoir « jamais vendu ni échangé » de CD copiés mais reconnaissait « savoir qu’il était interdit de graver des films via Internet ».
Le 13 octobre 2004, le tribunal de grande instance de Rodez le relaxait pourtant, en invoquant le droit à la copie privée. Un argument repris par les magistrats de la cour d’appel. Citant l’article 122 du code de la propriété intellectuelle, ils n’ont pas suivi le ministère public, qui réclamait une amende de 5 000 euros et le paiement de dommages et intérêts pour « contrefaçon d’une œuvre de l’esprit ». Ils estiment, au contraire, dans leurs attendus, que, « lorsqu’une œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective ». « Le prévenu a déclaré avoir effectué les copies uniquement pour un usage privé », poursuit la cour, et « il n’est démontré aucun usage à titre collectif ». « Tout au plus le prévenu a admis avoir toutefois regardé une de ces copies en présence d’un ou deux copains et avoir prêté des CD gravés à quelques copains. (…) On ne peut déduire de ces seuls faits que les copies réalisées ne l’ont pas été en vue de l’usage privé visé par le texte », conclut l’arrêt.
« UNE PREMIÈRE BRÈCHE »
Pour les défenseurs du téléchargement, la décision est essentielle. Joëlle Glock, une des avocates du jeune homme, y voit « une première brèche dans le domaine du téléchargement ». Son collègue, Me Eric Zapata, renchérit : « Toutes les familles de France et de Navarre peuvent être rassurées : le fait de télécharger pour son usage personnel est parfaitement légal. » Tout l’enjeu résidait en effet dans l’appréciation donnée à « l’exception de copie privée », seule à même d’éviter l’obligation de payer des droits. Pour les associations de consommateurs ou d’internautes, le téléchargement n’est pas différent, par nature, de la copie d’une simple cassette vidéo, parfaitement légale dès lors que son usage reste individuel.
Les producteurs de films ou de musique estiment au contraire, comme Me Christian Soulié, avocat des parties civiles à Montpellier, que « l’exception de copie privée ne peut pas servir à blanchir la contrefaçon ». « Nous avions abordé la question de l’origine illicite de la copie, dans les douze lignes des attendus, on ne nous a pas répondu », regrette-t-il.
De quoi permettre au syndicat de l’édition vidéo, et à son délégué général, Jean-Yves Mirski, de « garder confiance ». Mais surtout de redonner espoir aux autres internautes poursuivis par les compagnies de disques ou de films. Alain Oddoz, le professeur condamné à Pontoise, a décidé de faire appel.
, le il y a 19 années et 8 mois.
